Histoire

LA ROUTE DES VACANCES


Enfin le 14 août ! Guillaume se leva de très bonne heure car c'était le jour de son anniversaire.
Pour ses dix ans, son père lui avait promis un beau cadeau. Et il le voulait tout de suite.
Son père et sa mère prenait le petit déjeuner dans la cuisine. Devant le regard suppliant de son fils, le père ne put résister. Il se leva et alla chercher le cadeau dans sa chambre. Guillaume était fébrile, il devinait ce que c'était. Il espérait tellement ce cadeau.
Il déchira vite le paquet, aidé de l'intérieur par une petite boule de poils grise.
Quelle joie se lisait sur le visage de Guillaume !
Il se précipita dans les bras de son père et de sa mère pour les serrer très fort. Il était tellement content !
"Oh papa ! qu'il est beau ! je vais l'appeler Bandit et je le garderais toute ma vie !"

Et en effet Bandit et Guillaume devinrent inséparables. Partout où se trouvait Guillaume, Bandit n'était pas loin. Et inversement d'ailleurs.

Les mois passèrent. L'hiver s'installa doucement. Guillaume et Bandit jouaient à l'intérieur.
Puis le beau temps revint. "Cette année il n'y aura pas de vacances" avait dit son père. Il commençait un nouvel emploi, il ne pouvait partir, mais l'année prochaine, on se rattraperait, c'était promis. Guillaume s'en fichait un peu, il avait son ami et il passait des journées entières à jouer avec lui dans la forêt toute proche.
L'été suivant le père annonça qu'il avait loué une bel appartement avec vue sur la mer. "Ce serait des vacances merveilleuses" disait-il. Guillaume était fou de joie. Il allait faire découvrir la mer à Bandit. Peut-être lui apprendre à nager. Est-ce que les chiens savent nager ?
Le matin du départ en vacances, tout le monde embarqua dans la voiture. Le voyage était long. Son père décida de faire une pose dans un joli petit coin de forêt afin de se dégourdir les jambes. Guillaume et Bandit sortirent. Son père lança une balle très loin et Bandit couru la chercher pour la rapporter à son petit maître. Mais en un rien de temps, Guillaume se retrouva poussé précipitamment dans la voiture, et son père démarra en trombe.
"Papa, papa on a oublié Bandit".
Le père ne répondait pas.
"Papa, s'il te plait arrêtes-toi".
"Maman ?" La mère détourna la tête, gênée.
Guillaume tenta d'ouvrir la portière pour sauter retrouver son ami, mais elles étaient verrouillées.
Impuissant, il se tourna vers la lunette arrière et vit le petit chien qui courait aussi vite qu'il le pouvait, afin de tenter de rattraper la voiture.
Il le vit longtemps, au travers de ses larmes, puis l'image disparue.

bandit Son père lui expliqua que le propriétaire de la location n'acceptait pas les chiens. Que Bandit était jeune et qu'il trouverait vite un autre maître. Ou au pire des cas, quelqu'un le conduirait dans un refuge où il se fera adopter très vite. A la rentrée s'il était encore triste, on en prendrait un autre. Le même s'il voulait.

Ces affreuses vacances finirent enfin et ils rentrèrent à la maison. Guillaume était inconsolable. Non seulement il avait perdu son chien, mais ses parents étaient devenus des étrangers pour lui. Quelque chose en lui s'était cassé. Définitivement.
Bien sûr il était toujours le même enfant sage, un peu solitaire. Ses notes à l'école étaient satisfaisantes. Tout paraissait être rentré dans l'ordre. Son père était persuadé qu'il avait oublié cet épisode dont il n'était pas très fier. D'ailleurs, ils n'en avaient jamais plus reparlé, et Guillaume n'avait jamais demandé un autre chien.


Puis cet autre 14 août arriva. Un anniversaire de plus. 18 ans aujourd'hui.
Guillaume comme huit ans plus tôt se leva très tôt ce jour là. Son père et sa mère étaient encore couchés. On était dimanche.
Il entra dans la cuisine et déposa délicatement un mot qu'il avait écrit la veille, sur la table du petit déjeuner.
"Il partait. Il ne reviendrait pas. Il ne fallait pas s'inquiéter pour lui."

Et Guillaume partit sans se retourner.
Il fit du stop et se fit déposer à l'endroit même où 6 ans plus tôt on avait abandonné son petit compagnon.
Et son enquête commença. Il visita toutes les maisons. Se rappelait-on d'un petit chien gris ? Certains se moquaient de lui, d'autres voulaient l'aider. Guillaume inspirait confiance. Il s'installait dans un village et le temps de son enquête il faisait des petits boulots. Une main d'oeuvre si peu chère.. il trouvait facilement.
Il élargit son champ de recherche. Puis un jour, un vieil homme se rappela qu'une petite fille avait trouvé un chien gris accidenté sur la route et l'avait emmené chez un vétérinaire. Non, il ne se rappelait plus le nom de la fillette, ni le vétérinaire. Désolé.
Guillaume fit le tour de tous les vétérinaires de la région. Une assistante lui dit se rappeler d'un petit chien gris abandonné, arrivé avec une fracture du bassin. Un refuge s'était occupé de lui. Lequel ? Elle ne se rappelait plus, désolé.
Guillaume rendit visite à tous les refuges du coin, et une bénévole se rappela que le vétérinaire les avait contacté pour un petit chien tout gris qui avait été trouvé accidenté. Le refuge l'avait soigné mais le petit chien avait gardé des séquelles. ils n'avaient pas pu le garder. Une association qui recueillait les animaux handicapés l'avait adopté.
Guillaume demanda où se trouvait cette association. La bénévole lui donna l'adresse : "ce n'est peut-être pas votre chien vous savez ..." Mais Guillaume savait que c'était Bandit. Il se rendit le jour même dans cette association. Une maison couverte de vigne vierge au milieu de la campagne. Il pouvait apercevoir à travers le grillage des chiens et des chats vadrouiller en liberté où se prélasser au soleil.
Il sonna et une jeune fille lui ouvrit la porte souriante.
Il ne savait pas comment commencer son récit, mais le refuge avait téléphoné : elle connaissait son histoire.
"Venez, je vais vous conduire à Grigri. C'est comme ça que nous l'avons appelé."
Guillaume avait le coeur qui battait à cent à l'heure.
Dans un coin du jardin, à l'ombre, installé dans une petite corbeille d'osier, Bandit était là.
Oh ! oui, c'était bien lui. Il devait avoir 9 ans aujourd'hui mais c'était lui. Guillaume s'approcha doucement du petit chien : "Bandit, mon beau Bandit, comme tu dois m'en vouloir !... Je suis si désolé de ne rien avoir pu faire... J'ai pensé à toi tous les jours... Je savais que tu étais vivant, qu'on se retrouverait un jour". Guillaume avait grandi, c'était un homme maintenant, pourtant Bandit le reconnu aussitôt. Il remua la queue pour lui faire comprendre qu'il se souvenait de lui et qu'il ne lui en voulait pas et poussa de petits aboiements de bonheur. Il le regardait l'air de dire : "je savais que tu me retrouverais". Il se leva avec difficulté pour lui faire la fête.
Les deux amis étaient enfin réunis.

La jeune fille de l'association demanda à Guillaume s'il voulait rester dormir car il se faisait tard.
Le vieux gardien les avait quitté et le mobile-home où il logeait, était libre.

Guillaume n'est jamais reparti. Il est devenu le gardien de l'association. Il s'occupe des animaux, fait les petites réparations, range le matériel, bref il y est heureux.
Son chien s'est installé avec lui dans le mobile-home. Grigri a retrouvé toute sa vivacité malgré sa difficulté à se mouvoir. Grigri et Guillaume sont de nouveau inséparables.

Quand vous voyez Guillaume, vous voyez Grigri. Et inversement.
La vie a repris son cours.


*Quelquefois les liens qui unissent un enfant à son animal sont si forts, que si on essaye de les casser, la déchirure risque de ne pas se faire là où on le croit.


Shalimar

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