Lettre au père Noël![]() Des revendications, il en avait à revendre, Phoebus. Et le mois de décembre était le pire de l'année. Il avait réussi à convaincre le poulailler entier que dorénavant plus personne ne devait se montrer accommodant. Et les poules en avaient parlé aux canards, qui en avaient parlé aux oies... toute la ferme était au courant. Et comme Phoebus avait de la voix, son ami le coq de la ferme voisine avait trouvé l'idée excellente et l'avait propagé à son tour tant et si bien que tout le pays était maintenant concerné. Plus aucun coq ne chantait, plus aucune poule ne pondait. Phoebus était triste. Désespéré même. Il jouait sa dernière chance, mais au fond de lui, il savait que cela ne servirait à rien. Pourtant il fallait essayer. Ses revendications et celles de ses amis, il les enverrait au Père Noël. Il savait que les enfants de la ferme s'adressaient à lui pour obtenir les cadeaux qu'ils souhaitaient avoir pour Noël. Ce devait être quelqu'un de puissant ! Phoebus, lui, ne désirait qu'un seul cadeau. Cadeau, qu'il estimait légitime, même pour un coq. Phoebus voulait la vie sauve pour ses amis. Il en était malade chaque année de les voir se faire engraisser dans des souffrances atroces puis tuer sans autre forme de procès. C'était injuste. Il ne supportait plus d'entendre le jour du réveillon, alors qu'il était seul et triste, les exclamations et les rires des humains qui se réjouissaient d'un si bon pâté de foie gras, ou d'une si bonne dinde. ![]() Mais il savait aussi que tous les autres seraient bientôt emmenés pour ne plus revenir. Chaque année, c'était la même chose. Depuis le temps qu'il était là, il en avait vu défiler des Gertrude et des Sidonie. Combien de temps encore devra t-il les rassurer ? Supporter de les voir trembler de peur à chaque visite du fermier ? Se demander combien il avait encore de jour à passer avec eux. Il était vieux maintenant. Vieux et las. Il ne trouvait plus les mots de réconfort, il n'y croyait plus tout simplement. Il était fatigué. Mon Dieu, comme il appréhendait Noël, Phoebus. Noël la fête la plus appréciée de l'année ! Noël où les lumières illuminent le ciel, où tout le monde ce jour là fait une trêve, car c'est une journée de paix. Phoebus ne comprenait pas comment une si belle fête pour les uns, devenait un jour de souffrance pour les autres. Il lui arrivait de penser, même s'il avait très peu d'affinité avec eux, aux langoustes et aux homards qui actuellement devaient être dans de la glace dans les rayons des magasins. Il imaginait la douleur qu'ils devaient ressentir quand par la suite, on les ébouillantait encore vivant ! Il se demandait bien Phoebus, lui, le coq faisant partie des espèces les moins évoluées, comment on pouvait faire une pareille chose. Cette année Phoebus était vraiment découragé. Comment pourrait-il encore chanter le matin ? Sa dernière chance était le père Noël. Il lui enverrait lui aussi sa petite lettre. Il lui ferait part de sa tristesse. Il lui rappellerait que tous les jours de l'année, sans exception, il avait chanté dès 5 heures du matin. Il avait rempli son contrat. Il avait été un coq modèle. Il méritait lui aussi son petit cadeau. Peut-être serait-il exhaucé ? Mais en attendant il continuerait sa grève, ainsi que toute la basse-cour. Après tout, qu'est-ce qu'ils avaient à perdre ? Shalimar
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