AU CRÉPUSCULE DE LA VIEIl était 6 heures du matin, ce jeudi 2 novembre et Bernard était assis sur son lit, plongé dans ses pensées. Le soleil n'était pas encore levé, la chambre était plongée dans l'obscurité. Les somnifères que Bernard prenait pour trouver le sommeil étaient moins efficaces. Il se réveillait maintenant de plus en plus tôt. Bernard avait 83 ans, et il pensait à sa vie. Il était le plus jeune d'une famille nombreuse, de parents paysans. De braves gens. Quand il était petit, son rêve était de devenir médecin. Une vrai vocation. Mais hélas, la vie en avait décidé autrement. Il avait du s'engager à 17 ans dans l'armée pour défendre son pays. La guerre était une chose indescriptible. Tant de vie perdue... d'avenir bouleversé... Le seul souvenir heureux qui lui restait de cette époque était sa rencontre avec Colette, dans la résistance. Une vraie histoire d'amour dans cet univers de violence. La guerre fini, ils s'étaient mariés à Paris. Colette était parisienne. Ses parents lui avaient laissé un petit appartement dans le 14ème arrondissement, et c'est là qu'ils s'étaient installés. Bernard avait trouvé très vite du travail dans une usine. La France était en miette, il fallait reconstruire et la main d'oeuvre y était la bienvenue. Colette rêvait d'avoir de nombreux enfants. Mais malheureusement ces deux grossesses n'avaient pas abouti. A la troisième tentative elle du rester aliter pendant 6 mois. Elle avait beaucoup de mal à ne rien faire, elle qui était si active. Bernard l'aidait le mieux qu'il pouvait après sa journée de travail à l'usine. Mais au bout du compte, Colette accoucha d'un superbe garçon qu'ils nommèrent Sébastien. Peu après, ils vendirent l'appartement pour s'installer à la campagne à 25 km de Paris. C'était mieux pour l'enfant, même s'ils avaient du emprunter. Même si Bernard devait aller à l'usine à vélo. Ca lui faisait faire du sport, disait-il ! Et la vie s'était écoulée tranquille. Du moins pendant un certain temps, car le salaire de Bernard ne suffisait plus, et s'ils voulaient que Sébastien fasse des études supérieures, Colette devait travailler. Elle ne rechignait pas à l'ouvrage et elle trouva facilement des ménages à faire. La commune se peuplait de plus en plus mais ce n'était pas encore la banlieue d'aujourd'hui. Sébastien passa son bac avec succès. Il n'était pas très studieux mais il avait des capacités intellectuelles énormes. L'un compensant l'autre. Il réussi son concours dans une des plus prestigieuses écoles et parti s'installer à Paris. Les études seraient longues. Pour Bernard et Colette la retraite n'était donc pas pour demain. Mais qu'importe, ils étaient si fiers de la réussite de leur fils unique. A Paris, Sébastien ne donna pas beaucoup de ses nouvelles. En fait en y réfléchissant, c'était toujours Colette qui l'appelait. Mais il était si occupé disait-elle ! Un jour toutefois, ils reçurent un faire part de mariage. Sébastien épousait une jeune fille de très bonne famille, dont le père avait fait fortune pendant la guerre. Même s'ils étaient un peu surpris, ils étaient néanmoins contents de ce mariage. Content pour leur fils. Colette se voyait déjà entourée de nombreux petits enfants ... Elle, qui les aimait tant. Le jour du mariage, Colette avait mis sa plus belle robe afin que son fils soit fier de sa maman. Ils étaient arrivés très en avance. Sébastien leur avait présenté sa future femme et sa belle famille, puis les avait laissé seul pour accueillir les invités. Ils ne connaissaient personne et étaient un peu perdu. Seul le frère de la mariée avait tenté de les mettre à l'aise. Il s'était montré très gentil avec eux. A la fin du repas de noce, Colette et Bernard s'étaient éclipsés en douce. Ils étaient sûrs que personne ne s'était aperçu de leur absence. C'est peu de temps après que Colette décida d'adopter Nougat. C'était un premier mai. Une journée adoption était organisé par le refuge de la commune voisine. Colette avait eu un coup de coeur pour Nougat, un petit chien marron d'un an et demi environ. Même si les bénévoles lui disaient d'adopter un chien plus âgé. Mais non ! C'était Nougat que Colette voulait. Et si Colette voulait, Bernard voulait aussi. Que d'amour Nougat leur avait apporté pendant les dix années qui suivirent. Ils faisaient tous les trois de longues promenades en forêt. Colette avait retrouvé le sourire. Ils leur arrivaient même d'avoir de merveilleux fous-rires, comme avant, comme lorqu'ils s'étaient connu.A l'époque Colette incarnait la joie de vivre . Qu'importait à présent si Sébastien ne lui confiait jamais ses deux petites filles. D'ailleurs, la petite dernière, ils ne la connaissaient même pas. Elle était allergique aux chiens, paraît-il ! Mais Colette était de plus en plus souvent fatiguée. Bernard s'inquiétait, questionnait. Colette fini par avouer qu'elle avait un cancer mais qu'elle n'avait pas voulu l'inquiéter. Et la maladie fit son oeuvre. Bernard ne voulait pas que Colette finisse sa vie à l'hôpital. Il l'a soigna chez elle, dans sa maison qu'elle aimait tant. Nougat et lui veillèrent sur elle des jours entiers. Une infirmière passait faire les soins deux fois par jour. Puis un matin il la trouva endormi pour toujours, sa main reposant sur la tête de Nougat qui n'osait pas bouger de peur de l'éveiller. Sans la présence de Nougat, Bernard n'aurait pas survécu à la disparition de Colette. Ils organisèrent leur petite vie tant bien que mal jusqu'au jour où le coeur de Bernard, si meurtri par la vie, eut une petite défaillance. Nougat à force de hurler dans le jardin, fini par alerter les voisins qui appelèrent les urgences et Bernard survécu à sa crise cardiaque. Sébastien, sa seule famille fut contacté. En fils responsable, il prit les décisions. Signa les documents. Et Bernard se retrouva en maison de retraite. Quand il essaya de faire comprendre à Sébastien qu'il voulait retourner chez lui, dans sa maison rempli de souvenirs, avec son chien pour compagnon, Sébastien lui rétorqua que désormais il ne pouvait vivre seul. Le chien était parti, il ne l'avait plus revu. La maison de retraite coûtait cher, sa maison avait était loué pour faire face à ses dépenses. Bernard était rongé d'inquiétude pour Nougat. Il savait au fond de lui que Sébastien l'avait jeté dehors, même s'il ne voulait pas se l'avouer. Mais que pouvait t-il faire, diminué qu'il était par son attaque ? Alors il attendait la mort et comme celle-ci n'arrivait pas assez vite, il prenait des somnifères pour oublier. L'imagination est redoutable, et quand il pensait à Nougat, il le voyait errer dans les rues en quête de nourriture, trempé jusqu'aux os les jours de pluie... et ça lui faisait mal... très mal. Il se rappela la joie qu'il avait éprouvé à la naissance de son fils, puis repensa à Nougat. Ces deux sentiments de joie intense suivi d'une angoisse profonde suffit à enserrer son pauvre coeur dans un étau. Celui ci s'arrêta enfin de battre. ![]() Ce jeudi 2 novembre, quand l'infirmière entra dans la chambre de Bernard une heure plus tard, elle le trouva allongé sur son lit. Son visage était serein. Ses lèvres ébauchaient un sourire. Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, il avait l'air heureux. Au même instant, à des kilomètres plus loin, un petit chien marron âgé d'une douzaine d'années, qui avait été apporté à la fourrière après des mois d'errance, était allongé sur la table du vétérinaire et attendait résigné de recevoir l'injection fatale. Shalimar Ces textes sont protégés par ![]() *********Lire une autre histoire |